Je réfléchissais à la première partie de ma chronique et je me demandais : ai-je été suffisamment sincère avec vous ? Suis-je parvenue à vous montrer ma vulnérabilité ? Montrer mon côté vulnérable n’a jamais été mon point fort. Je me suis toujours dit que je ne permettrais à personne d’utiliser mes propres faiblesses contre moi.
J’ai su vous montrer l’image d’une femme forte, sûre d’elle, capable de tout gérer, plutôt que celle d’une femme fragile, incertaine, emplie d’insécurités, qui se questionne chaque jour. Une femme en quête d’amour, qui se laisse séduire par de simples petites attentions sans prendre le temps de découvrir ce qui se cache réellement derrière ces cœurs qui prétendent la désirer. Et à la fin, elle se retrouve le cœur brisé, avançant sans savoir où le chemin la mènera. Cette femme-là, vous ne la connaissez pas, car je l’ai toujours enfouie sous des montagnes de sourires et de belles photos, dissimulée derrière des accomplissements qui m’ont coûté ma chair et mon sang. Une vie qui semble remplie, mais un cœur vide.
On m’a appris que la gratitude incite l’univers à nous offrir davantage. Pourtant, j’ai l’impression de n’avoir jamais reçu ce que je désirais vraiment. Peut-être parce que je n’ai jamais su demander ce que je voulais, ou peut-être parce que je l’ignore encore.
Peut-on désirer quelque chose qui nous est totalement inconnu ? Puis-je demander l’amour si je n’en ai jamais réellement reçu ? Comment pourrais-je le reconnaître, même s’il venait frapper à ma porte ? Puis-je réclamer la paix, la sérénité, la tendresse, si tout ce qu’on m’a offert jusque-là n’était que des miettes, des restes dont personne ne voulait plus ? Comment oser demander de telles choses, alors que rien que l’idée m’effraie ?
La peur de me laisser aimer, de me laisser aller, ne me laissera jamais la liberté de me donner une chance. Car je finirai par prendre la sincérité de l’autre pour de la manipulation. Je ne pourrai jamais croire en l’amour, et je ne veux même pas essayer. Parce que, au fond, tout ce que j’anticipe, c’est une chute. Je me dis que l’amour, ça va, ça vient. Aujourd’hui tu aimes l’un, demain un autre. Aujourd’hui tout semble parfait, et demain tout s’écroule. Pourquoi participer à un tel jeu d’incertitude ?
L’incertitude, j’en ai déjà eu ma dose. Ça suffit. Sachez que je ne cherche pas à détourner les fervents admirateurs de l’amour de leur chemin. Moi, je trouve cela magnifique de voir deux êtres dégager cette énergie amoureuse. Je trouve juste que parfois, les gens nous vendent une illusion. Nous nous contentons de l’image qu’ils projettent, cette belle façade, pour nous convaincre que l’amour, c’est la joie, c’est la beauté. Sans jamais savoir ce qui se passe réellement dans leur vie de couple, jour après jour.
Que faut-il endurer pour projeter une image si parfaite ? Je le sais, parce que je suis passée maître dans cet art. Faire croire aux autres que je maîtrise un domaine qui, en réalité, m’est totalement étranger. Vous me jugerez peut-être insensible, cruelle. Certains d’entre vous penseront sûrement que je suis traumatisée. Et vous savez quoi ? Peu importe ce que vous pensez, vous avez raison. Oui, vous avez raison, parce que je suis un mélange de tout cela.
Je suis la somme de tout ce que j’ai vu, de tout ce que j’ai vécu. J’en ai bavé, j’ai traversé des épreuves qui m’ont marquée. J’ai vu des couleurs dans la vie, mais la plupart étaient sombres. Alors, qu’est-ce que vous pourriez attendre de plus ?
Je ne m’attends pas à ce qu’un prince charmant vienne un jour me sauver de cette noirceur qui a trouvé refuge dans mon cœur. Je n’ai pas besoin d’aide. J’ai appris à vivre avec mes démons. Je les ai laissés entrer, et je ne crois pas qu’ils aient l’intention de partir de sitôt.
Il en est de l’amour que comme pour les esprits, tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu. Cette citation de La Rochefoucauld reflète une quelconque réalité, mais une chose est certaine : la quête de l’amour est universelle. Certains sont prêts à tout pour le trouver. D’autres, une fois qu’ils l’ont trouvé, se détachent des distractions extérieures, tant que leur partenaire leur procure ce sentiment d’exclusivité tant désiré, le reste importe peu. Mais qu’en est-il pour Madame De La Croix?
Vous voilà bien calme, Madame De La Croix ! Pour quelqu’un qui vient de découvrir que son mari la trompe, je vous trouve beaucoup trop sereine.
Madame De La Croix, le regard calme, répondit à Amandine…
Vous savez ce qu’on dit, ma chère “ les maîtresses sont passagères, mais les épouses sont permanentes”. Allons, ne croyez tout de même pas que mon cher Victor va me quitter pour une petite aventure de rien du tout ?
Amandine semblait agitée.
— Et bien moi, pour être franche, je vous trouve trop confiante. Si j’étais à votre place, je serais déjà sur le point de trouver cette femme pour lui en coller une.
Madame De La Croix secoua la tête
— La violence n’est pas toujours la meilleure solution. Si je fais ça, je vais inciter mon homme à la rejoindre pour la consoler, et moi, je passerai pour une femme violente à ses yeux. Elle aura l’occasion de jouer la victime, vous comprenez ?
Madame De La Croix continua de siroter son verre de vin, regardant son amie Amandine avec une confiance déconcertante. Mais Amandine, paraissant plus énervée qu’elle, semblait être celle dont le mari avait été infidèle.
— Il faut qu’on découvre qui est cette femme. Ce que fait votre mari est immoral et injuste. Vous êtes une si bonne femme pour lui. Je vous entends tout le temps parler de votre mari avec tant d’amour et d’admiration. Vous ne méritez pas ça. Je vous conseille de divorcer, et vous pouvez compter sur tout mon soutien.
Madame De La Croix soupira.
— Allons, Amandine, vous exagérez. D’ailleurs, je ne connais même pas la femme avec qui il me trompe. Je n’ai aucune preuve tangible.
— Au moins, nous finirons par en trouver, affirma Amandine.
— Je ne vais rien faire contre mon mari. Comme je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas la première fois et elle ne sera pas la dernière. Ça fait déjà 18 ans que Victor et moi sommes mariés. Vous croyez que ça a été le bonheur H24 ? Bien sûr que non.
— C’est à cause de ce genre de commentaires qu’il y a tant de femmes qui souffrent dans leurs mariages. Vous vous forgez une idée selon laquelle un homme ne quittera jamais son épouse pour une maîtresse. Qu’ils ne renonceront jamais à leurs familles. Vous préférez rester triste et misérable dans cette relation.
— Ha ha ha, allons, très chère… vous pensez que moi, je suis misérable dans mon mariage ? Mon mari me comble, ne vous méprenez pas, et ceci dans tous les sens du terme. Sachez que je n’aurais jamais imaginé qu’il me trompe jusqu’à ce que vous me soufflez une telle chose à l’oreille.
— Et bien oui, je vous dis que je l’ai vu au restaurant avec une femme. Ils étaient très intimes.
— Oui, je sais, vous me l’avez déjà dit.
— Alors ?
— Alors rien du tout! Je suis sûre que cette femme a sûrement besoin d’un homme comme le mien, ajouta-t-elle après un moment de réflexion.
— Comment ça, Madame De La Croix ? Que voulez-vous dire ?
Les révélations et les intrigues se mêlant dans l’atmosphère feutrée du salon, où les secrets semblaient danser au rythme des murmures et des confidences.
— Et bien, c’est probablement une femme qui, pour la première fois, a rencontré un homme qui a su lui offrir une attention qu’elle n’a jamais espérée. Une de ces femmes qui ont besoin de sentir qu’elles ont une emprise sur l’homme d’autrui pour se sentir puissante. Elle se croit sûrement forte, mais hélas, elle est tellement faible.
— Aïe, vous exagérez un peu, vous ne trouvez pas ? Vous ne la connaissez même pas.
— Oh, mais pas besoin de la connaître. Je connais parfaitement les caractéristiques de ce genre de femmes.
— Vous devriez vous en prendre à votre mari plutôt, non ? Pourquoi tout mettre sur le dos de cette femme ? C’est votre mari qui l’a séduite.
— Et comment savez-vous que c’est mon mari qui l’a séduite, très chère?
— Et bien, simple intuition ! Et puis, ce serait tout à fait logique.
Madame De La Croix déambulait autour du salon, son verre de vin à la main, tout en gardant son calme.
— Parfois, nous laissons nos émotions nous emporter et perdons le contrôle de la situation. Pourtant, dans la vie, il faut être stratégique et diplomate afin de mieux gagner la bataille.
— A quoi faites-vous référence ? Vous voulez dire que vous avez un plan ? Bravo, maintenant on commence à se comprendre, Madame De La Croix.
— Oui, bien sûr ! Vous savez… C’est fou comme les gens peuvent nous sous-estimer parfois, nous les femmes mariées. Ils pensent que dès que nous aurons reçu la bague. Nous devenons aveugle à tout car le mariage est le symbole que nous avons gagné la bataille. Donc, plus besoin de rester sur nos gardes.
— En tout cas, je ne suis pas marié mais j’essaie de vous comprendre.
— En fait, tout cela vise à vous faire comprendre que je sais qui est la maîtresse de mon mari. Ou devrais-je dire plutôt que je sais qui sont les maîtresses de mon mari. Je vous ai menti quand je vous ai dit que je n’avais aucun soupçon sur le fait que Victor me trompe, avec plusieurs femmes en plus. L’autre jour, j’ai fouillé dans son téléphone pendant qu’il dormait au beau milieu de la nuit. J’ai vu dans ses messages WhatsApp différents contacts. Il a enregistré ces femmes sous des noms bizarres comme « Johanne madan Lyonel », « Yves Entreprise Livraison », « Gérôme Pap padap ». Mon mari croit que je suis stupide en fait. Eh bien, j’ai ouvert ses messages. Et c’était des conversations plutôt romantiques qu’autres choses. Mais il y en a une parmi toutes ces conversations qui m’intéressait en particulier. C’était celle où elle lui faisait une crise de jalousie. Elle lui disait qu’elle n’accepterait aucune autre femme à part son épouse. Mon mari lui jurait qu’elle n’avait personne d’autre à part elle. Mais elle était convaincue du contraire, elle lui a dit qu’elle l’avait vu dans un restaurant en train de flirter avec une femme. Elle le menaçait de tout raconter à son épouse. Et puis j’ai décidé de vérifier le numéro de téléphone de cette femme le lendemain matin. Et cela m’a choqué au plus haut point.
Amandine se mit à trembler soudainement, elle pouvait à peine tenir son verre.
— Allons, très chère, pourquoi tremblez-vous ? Je ne vous ai pas encore raconté la partie la plus intéressante. Figurez-vous que ce numéro en fait, c’était le vôtre. Il m’a juste suffit de vérifier à partir de mon téléphone. D’ailleurs, j’ai même laissé sonner pour que vous répondiez, pour être sûre que je ne m’étais pas trompée. Vous vous souvenez quand je vous ai appelé pour vous demander à quelle heure était la rencontre avec notre Boss parce que ça m’avait échappé. Et bien, c’était ce jour-là. Je ne vais pas vous mentir, j’ai pleuré. Mais après, je me suis reprise.
— Que racontez-vous, Madame De La Croix ? Comment ça, je suis la maîtresse de votre mari ? Je croyais que vous me considériez aussi comme votre amie. Pourquoi me manquez-vous de respect de cette façon ?
Amandine commençait à balbutier, toute bouleversée.
— Ha ha ha, vous manquez de respect ? Alors non seulement vous êtes sournoise mais aussi audacieuse.
— Je respire mal, qu’avez-vous fait? Qu’avez-vous mis dans mon verre?
— Calmez-vous, très chère. Je n’ai rien mis de nocif dans votre verre de vin. C’est simplement la culpabilité qui vous perturbe. Je vous conseille de boire un peu d’eau.
— Vous êtes rusée, je dois l’admettre. Vous avez essayé de faire d’une pierre deux coups. Vous venez me dire que mon mari me trompe. Je retrouve cette femme et je lui règle son compte, je divorce de Victor. Et au final, vous l’aurez pour vous toute seule. Mais le
Petit détail qui vous a échappé c’est que vous n’êtes qu’une addition sur la liste des maîtresses de mon mari. Mais Bravo hein, c’était quand même bien planifié. Mais malheureusement pour vous, je ne suis pas aussi impulsive et stupide que vous le croyez.
— Vous ne me félicitez pas Amandine? Je viens de résoudre l’énigme d’un infidélité!
— Pourquoi considérez-vous cela comme un jeu, Madame De La Croix ?
— Mais, c’est ce que vous avez fait de cette situation.
— Maintenant que vous savez que c’est moi, que comptez-vous faire ?
Madame De La Croix resta silencieuse pendant un moment, regardant Amandine avec un petit sourire qui dégageait une sorte de satisfaction. Puis, prenant une grande inspiration et dit :
— Et bien, voyez-vous, très chère, cela reste une énigme ha ha…
Fin !
Petit à petit, l’oiseau fait son nid. J’avais lu cela quelque part, cette maxime imprégnée de sagesse résonnait en moi. Mais entre nous, si une chose n’a jamais été mon fort, c’est bien la patience. J’ai toujours pensé que cette vertu est réservée à ceux qui sont contraints d’attendre, tandis que je me suis toujours donné le luxe de choisir. Soit je plongeais dans l’inconnu, priant pour une chute gracieuse sur mes deux pieds, soit je demeurais là-haut, risquant l’isolement, la dépossession, et totalement opprimée par ceux qui détiennent le pouvoir. Deux chemins, aussi périlleux l’un que l’autre, promettant une issue incertaine. Mais sachez que si ma chute devait advenir, elle se ferait selon mes propres termes, non dictée par autrui.
Ces êtres humains, en perpétuelle quête de justification, avides de richesse et de domination, m’ont poussé à adopter leurs propres armes. Ainsi suis-je devenue critique, jugeant chaque facette de ma vie avec perspicacité. J’ai consenti bien des sacrifices, des liens familiaux et amicaux rompus, consciente que certains ne sauraient arpenter ce chemin aux contours si abrupts. Trop sensibles, trop enclins à l’émotion. Car dans ce monde de l’influence, la sensibilité n’est qu’un fardeau, l’émotion un handicap. Je n’avais guère le loisir de m’attarder aux leçons de morale.
Je me présente, je suis Camille, une figure influente dans le monde de la mode. Je perçois déjà vos pensées : une influenceuse qui se livre à l’écriture d’une chronique ? Vous vous demandez certainement comment j’ai pu en arriver là. Prenez donc place confortablement, car vous êtes sur le point de démêler tous les fils de cette intrigue.
Cette chronique, je l’ai entamée non pas pour captiver les regards, ni pour accroître mon nombre d’abonnés ou alimenter la conversation autour de ma personne. Mais dans l’espoir que si jamais je venais à m’en aller un jour, je le ferai en toute légèreté. Je souhaite me libérer des masques que j’ai portés, ainsi que de ceux que certains d’entre vous, mes fidèles abonnés et amis, ont contribué à façonner. Je ne le fais pas pour vous, je n’aspire ni à votre sympathie ni à votre pitié. D’ailleurs, je suis consciente que nos bonnes intentions peuvent parfois compliquer les choses.
Talenteuse, belle et influente, vous pensez probablement que ma vie est exempte de toute imperfection. Certains souhaiteraient sans doute se retrouver à ma place. Lorsque vous contemplez mes photographies, peut-être vous comparez-vous à moi. Soudain, soudain, un sentiment d’insatisfaction envers votre propre existence s’impose en vous. C’est là le genre de réactions que nous, les influenceurs, suscitons chez certains de nos abonnés.
Pourtant, vous demeurez ignorants de ma réalité. Vous ignorez que chaque matin, sortir de mon lit représente un défi insurmontable, que ma force m’abandonne régulièrement et que mon moral se trouve au plus bas. Vous ne soupçonnez pas que je navigue à travers chaque journée en m’aidant d’antidépresseurs pour contenir mon anxiété. La vie n’est pas toujours aussi radieuse qu’elle le laisse paraître.
À maintes reprises, j’ai rédigé des lettres d’adieu, pourtant je finis toujours par les déchirer, car je m’accroche encore à un fil ténu d’espoir. Vous ne connaissez rien de tout cela. Vous ignorez le nombre de fois où j’ai imploré l’aide de mes proches afin de ne pas sombrer. Tout ce que vous percevez, ce sont les clichés enchanteurs de mes voyages à Bali, au Mexique, à Dubaï, en Australie, ainsi que les photos prises dans les plus prestigieux restaurants et clubs. Tout ce que vous retenez, c’est l’image de l’influenceuse épanouie, profitant de la belle vie. Cependant, vous êtes aveugles aux tourments dissimulés derrière ces sourires, à la lutte incessante d’une femme pour sa propre survie. Les démons que je dois affronter sont nombreux, et je crains parfois qu’ils ne triomphent un jour. Je ne sollicite pas votre pitié, je souhaite simplement que vous cessiez de vous illusionner et que vous réalisiez que vous ne savez rien de moi.
Certains jours, je rêve d’être comme vous, loin des feux de la rampe, en quête de paix, sans devoir subir les assauts de ceux qui, un beau matin, décident de venir perturber ma quiétude en consultant la page de Camille.
Ils scrutent ma pose sur les photos, spéculent sur l’utilisation ou non de filtres, évaluent ma beauté réelle, s’interrogent sur d’éventuelles interventions chirurgicales, examinent mon évolution, et vont parfois jusqu’à provoquer des conflits avec leurs commentaires.
Comprenez-vous le tourment que je traverse ? Je suis consciente d’avoir choisi cette voie, mais est-ce que je ne mérite pas un brin de compassion, tout comme n’importe qui d’autre ? Puis-je espérer une existence ordinaire, ou est-ce que cela me sera toujours refusé ? Est-ce que ma lutte contre la dépression remportera la victoire ?
Vous savez, je doute fort que j’aie choisi cette existence par pur plaisir. En fait, j’ai toujours fui les feux de la rampe ; ils déclenchent chez moi de véritables crises d’angoisse. Réciter un poème devant ma classe était un véritable supplice. J’étais cette enfant timide, frêle, qui préférait se terrer dans un coin pendant la récréation. Les amitiés m’étaient étrangères. Mes camarades de classe se plaisaient à me tourmenter, particulièrement Cataleya, cette fille qui se croyait être la Reine de la cour.
Elle était adulée de tous, les élèves faisaient tout pour être l’amie de Cataleya. Et puis un jour, les élèves ont découvert que la servante de l’école était en réalité sa mère. Prise de honte, elle l’avait tenue à l’écart. Du jour au lendemain, elle s’est retrouvée seule, abandonnée de tous, sans amis ni aide.
Ma colère envers Cataleya s’est muée en pitié. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que la loyauté et la fidélité ne sont pas des traits naturels chez l’être humain. La plupart sont attirés par l’image que vous renvoyez, par leur intérêt personnel ou par ce que vous pouvez leur apporter.
Et j’ai juré de tirer parti de cette réalité un jour. De construire une vie qui attire l’attention et génère de l’argent. Et ça a fonctionné, vous savez, jusqu’à ce que je réalise que j’avais omis un détail crucial : la santé mentale. Les coups bas de ceux qui prétendent t’admirer peuvent te pousser vers l’abîme. J’avais oublié que l’homme est insatiable, que peu importe mes efforts, cela ne suffirait jamais.
Soit je suis trop parfaite, soit je ne le suis jamais assez. L’équilibre est toujours hors de portée. Le seul équilibre que tu obtiendras en essayant, c’est la perte de toi-même. Il y aura toujours quelqu’un pour frapper là où ça fait le plus mal.
Aujourd’hui, je suis entourée par tellement de monde, pourtant, je me sens seule. Cette solitude qui m’envahit un peu plus chaque jour me rend vide, insensible, et j’ai l’impression que mon existence n’a aucun but. J’ai failli à ma mission en voulant choisir une vie qui ne veut pas de moi, une vie que je n’étais pas prête à affronter.
Alors, vous voyez, aujourd’hui encore, je regrette d’avoir emprunté cette voie. Mais est-ce que je vais m’arrêter là ? Non, je ne pense pas.
Quand tu foules le sol de ce monde, tu y deviens accro. Aussi difficile que cela puisse être pour moi, je ne m’imagine pas m’en détacher. Je me dis que si je décide d’en parler à travers cette chronique, je me sentirai mieux. Car une douleur partagée est moins lourde à porter.
Sachez que ce n’est que le commencement, j’ai plein de choses à partager avec vous. Vous ne croyez tout de même pas que j’en ai terminé ?
Dans l’ombre des chandeliers, je scrutais ton visage tandis que tu t’épanouissais sous le feu des rires et des conversations autour de ce dîner en famille. Je me suis efforcée de réprimer de faux rires après chaque anecdote amusante que ma grand-mère racontait sur mon enfance. Mais en dépit de mes efforts pour dissimulera mes tourments, le parfum de femme que j’ai senti lorsque tu m’avais embrassée sur le front confirmait mes pires craintes. J’avais sacrifié mes propres aspirations pour notre famille, convaincue que le bonheur à tes côtés serait ma récompense. Mais cette soirée-là, alors que nous étions entourés de nos enfants et de nos proches, j’ai réalisé que c’était tout le contraire, que ces sacrifices compromettaient mon bonheur. Je me suis interrogée sur ce que j’avais omis de faire pour te rendre heureux, pour nourrir cette flamme qui semblait s’éteindre entre nous. J’avais donné tout ce que j’avais, tout ce que j’étais, dans l’espoir que notre amour résiste à toutes les épreuves. Toi et nos six enfants avez toujours été ma priorité. À vrai dire, je n’avais jamais envisagé d’avoir une grande famille, mais tu avais toujours insisté pour en avoir au moins cinq. Tout ce que tu désirais, c’était une épouse dévouée à son foyer. Mais aujourd’hui, je me retrouve seule avec mes doutes et mes regrets. Et au fond de moi, une question persistait : étais-je jamais suffisante pour toi, Alex?
— Je n’ai jamais souhaité nous faire de mal, je te le jure. Je le répète encore, ce qui s’est passé est simplement une erreur.
— Une erreur, Alex ! Non seulement tu t’es moqué de moi, mais là maintenant tu me prends pour une idiote. Tu as fait tout ça pour une erreur ? Une erreur qui t’accompagne dans tous tes voyages, tes dîners, tes soirées d’affaires. Tu appelles ta relation avec cette femme, une erreur !
Alex ne savait plus quoi dire. Il était à court d’excuses, faisant attention à chaque mot pour éviter qu’Anna-Maria ne s’énerve d’avantages.
— Eh bien, c’est comme je te l’ai dit… mon amour ! Je vais te tuer, puis me suicider. Tu aurais dû réfléchir à deux fois avant de me tromper avec cette femme. Je ne vais pas laisser passer ça. À cause de toi, j’ai vécu une vie misérable. J’ai tout abandonné : ma carrière prometteuse, mes convictions, tout cela par amour pour toi. J’ai investi toute ma vie en toi et en nos enfants. Pendant que toi, égoïste et inconscient, tu prenais du bon temps avec une autre femme, je passais mes nuits seule et déprimée.
— Je te demande pardon…
— Non, non, non ! Ne me demande pas, pardon. Je me fiche complètement de ton pardon.
Anna-Maria s’apprêtait à appuyer sur la détente quand la porte de la chambre commença à bouger. Elle se retourna pour voir qui entrait : c’était leur troisième enfant, la petite Alexia. Alex profita de ce moment de distraction pour bondir sur sa femme, essayant de lui prendre l’arme. Ils se débattirent, et Anna-Maria appuya sur la détente. Malheureusement, la balle atteignit leur petite fille. Anna-Maria resta immobile devant le corps de sa fille, les larmes coulant le long de son visage, tandis qu’Alex criait à l’aide.
— Anna, Anna-Maria, réveille-toi ! Mais qu’est-ce que tu fais ? Ton défilé commence dans 30 minutes et tu n’es même pas encore maquillé.
— Amélie ! Quelle heure est-il ? J’étais allongé sur le canapé et je me suis endormi.
— Allez, lève-toi, je vais t’aider à te préparer.
Anna-Maria se leva du canapé et s’assit devant le miroir pour se faire maquiller. Amélie lui tendit un verre de vin. Elle prit une gorgée comme si cela l’aidait à se calmer, puis elle dit : « J’ai fait un horrible cauchemar ».
Amélie s’approcha d’elle et demanda :
— Tu as dû être très fatigué ma chérie, pour t’être endormie au point de faire un cauchemar. Et dis-moi, est-ce que tu sais ce que tu vas porter ce soir pour ton rendez-vous galant avec cet homme d’affaires ? Quel est son nom déjà ? Alex, c’est bien ça ? Je sais qu’il t’intéresse beaucoup, hein !
Le cœur d’Anna-Maria avait commencé à palpiter très fort après avoir entendu Amélie prononcer ces mots. Pour elle c’était un signe. Sa rencontre avec cet homme et ce cauchemar ne pouvait être une simple coïncidence.
Elle resta pensive un moment et répondit
— Non, non, je n’y vais plus !
— Ah bon ! Et pourquoi ? Je croyais qu’il te plaisait !
— J’ai décidé d’annuler. Je vais prendre une pause concernant les rendez-vous galants pendant un moment.